La grève au quotidien
Nous voulions comprendre à quoi pouvait ressembler le quotidien d’une personne présidente d’un syndicat en grève générale illimitée. Nous nous sommes donc entretenus avec Louise Jobin, présidente du STT de Hilton Québec (CSN) qui était, au moment d’écrire ces
lignes, en grève générale illimitée depuis le 7 septembre dernier.
Louise occupe présentement le poste de magasinière aux achats. Elle a été auparavant préposée aux chambres ainsi que préposée au ménage. Elle est à l’emploi du Hilton depuis maintenant 36 ans, c’est-à-dire depuis sa sortie de l’école. Petite anecdote : à l’époque, elle avait entendu dire que le Hilton était à la recherche de personnel, mais il y avait un conflit de travail au même moment. Son père, travailleur syndiqué de la construction, lui avait fortement recommandé de ne pas postuler avant que le conflit ne soit terminé, conseil qu’elle a sagement écouté!
Comme c’était son premier véritable emploi, elle n’avait jamais été syndiquée. Au début, elle avait de la difficulté à comprendre les tenants et aboutissants d’un syndicat. Une chose qu’elle a vite réalisée c’est qu’à cette époque, son salaire horaire (6.83 $ l’heure) était près d’être deux fois supérieur au salaire minimum. Elle y voit donc rapidement l’utilité d’un syndicat.
En 2005, une première opportunité s’offre à elle; elle est élue sur le comité de négociation. Elle sera par la suite secrétaire, vice-présidente par intérim et finalement présidente depuis 2014.
Le STT de Hilton Québec (CSN) représentait, avant sa fermeture d’un an pour rénovation en 2020, plus de 300 membres alors qu’à la réouverture en janvier 2021, en pleine pandémie, il en restait 150. De ces 150 travailleuses et travailleurs, un peu moins d’une centaine participent au conflit. Louise nous dit qu’elle, les autres membres de l’exécutif et les membres du comité de négociation, qu’elle qualifie d’extrêmement solidaires et de tissés serrés, doivent être disponibles 7 jours sur 7. Impossible d’occuper un autre emploi et parfois même la vie de famille peut en souffrir. Ils sont en constante communication pour être certains de tous livrer le même message aux membres. Est-ce qu’elle parvient à déléguer? La réponse est oui, mais souvent les membres souhaitent l’entendre de la bouche de la présidente.
Si vous avez eu la chance d’aller visiter la gang du Hilton Québec, vous avez pu constater qu’il s’agit d’un groupe déterminé et énergique comme rarement vu. Louise les qualifie de forts : plusieurs salarié-es ont plus 30 ans d’ancienneté, ils ont déjà vu neiger! Les débats ne manquent pas en assemblée, mais au final, les gens se rallient et ont confiance en leur comité exécutif.
Depuis le début du conflit, les membres du STT de Hilton Québec (CSN) ont été témoins de plusieurs élans de générosité. Louise nous mentionne que l’argent arrive de partout, d’individus, de syndicats ou d’organisations qu’on ne connait même pas parfois, mais c’est ce qui fait la différence. Elle nous explique que c’est ce qui les aidera à tenir la minute de plus. À chacune des assemblées générales hebdomadaires, elle souligne les dons reçus dans la semaine précédente et chaque fois c’est accueilli avec des cris de joie. À noter que le syndicat remerciera personnellement chacun des donateurs. Il voulait attendre la fin du conflit, mais étant donné que celui-ci s’étire, il le fera prochainement. Si vous n’avez pas encore donné, il n’est pas trop tard.
Lorsqu’on lui demande d’imaginer le retour au travail, parce qu’éventuellement on est condamné à s’entendre, elle répond sans hésiter qu’entre eux ils seront solidaires comme ils ne l’ont jamais été, mais qu’envers l’employeur la confiance ne sera pas au rendez-vous. Avec le comportement de celui-ci depuis le début de la négociation, le lien de confiance sera à rebâtir et cela risque de prendre du temps.